La traite des fourrures
Les Français d’Amérique du Nord ont vite compris que ce continent possédait des richesses qu’ils pouvaient exploiter via la traite des fourrures. Pour que le réseau de ce commerce fonctionne, les Français dépendaient des Amérindiens, qui prenaient les animaux au piège et échangeaient les fourrures et les peaux contre des marchandises produites en Europe. Il en résultait un rapport à la fois économique et culturel entre les Français et les autochtones.
Au départ, les Français exigeaient que les Amérindiens apportent les peaux à Montréal. Mais dans la traite des fourrures en Amérique du Nord, les Français avaient de la concurrence. Les colonies britanniques pratiquaient également la traite des fourrures, et par conséquent les Français devaient créer des conditions commerciales favorables pour les autochtones : facilité d’accès au commerce, biens de traite de haute qualité et prix généreux pour les fourrures.
Pour essayer de battre la concurrence britannique et pour faciliter l’accès au commerce pour leurs partenaires autochtones, la France autorisa finalement les traiteurs français à s’aventurer dans la région des Grands Lacs et du fleuve Mississippi. Là, ils pouvaient traiter directement avec les autochtones dans les postes de cette région qu’ils appelaient le Pays d’en Haut (la région des Grands Lacs) et le Pays des Illinois (la région de la vallée du Mississippi).
Le gouvernement français tenta d’exercer un contrôle sur le commerce en accordant des permis de commerce, appelés congés, à un nombre limité de personnes. Cependant, de nombreux hommes partirent dans la nature pour tenter leur chance sans permis afin de profiter de ce commerce lucratif ; on les appelait des coureurs des bois.
Ce commerce entre les traiteurs français/canadiens et les autochtones dura plus de 150 ans, entre la fin du XVIIe siècle et le début du XIXe siècle. Même lorsque cette région n’était plus territoire français, les précieux rapports de commerce qu’avaient noués les premiers commerçants français subsistèrent, tout commes les routes et les pratiques commerciales qu’ils avaient établies, et le commerce des fourrures fut un facteur d’importance primordiale du développement économique de la région.
Au cours de cette période, la route de base du commerce des fourrures consistait à transporter des produits manufacturés arrivés à la côte atlantique jusqu’à Montréal ou un autre site de l’intérieur du continent, puis plus loin, et ensuite à transporter des fourrures du Pays d’en Haut et du Pays des Illinois vers le l’océan Atlantique et vers l’Europe. Lorsque la Nouvelle-Orléans fut fondé près du golfe du Mexique au début du XVIIIe siècle, les fourrures – en particulier de la vallée du Mississippi – furent envoyées vers l’Europe par cette route du sud.
En observant le tracé de cette route, on comprend pourquoi le système fluvial intérieur était crucial : c’était le moyen de transport pour les produits manufacturés arrivant et les fourrures sortant. Des canots en écorce de bouleau et des bateaux à fond plat transportaient des ballots et des barils par les lacs et les rivières.
Pour faciliter le commerce, les Français établirent des postes de traite, certains relativement grands et plutôt permanents et d’autres plus petits et souvent temporaires. Les postes étaient situés sur des cours d’eau, presque toujours à proximité de villages autochtones. Cet emplacement permettait aux Français de bénéficier de la présence d’une communauté de partenaires commerciaux autochtones. Les postes plus importants avaient des fortifications et généralement une petite présence militaire, ainsi qu’une présence religieuse en la personne d’un prêtre, mais sur des sites plus petits, le prêtre ne fut présent que sporadiquement.
La chronologie du cycle commercial, présentée dans ses grandes lignes, est la suivante :
1) Des marchandises européennes arrivaient par bateau à Montréal.
2) Au printemps, à la période où la glace fondait sur les rivières, les marchandises étaient transportées dans de grands canots de Montréal vers plusieurs grands postes de traite comme Michilimakinac, dans le nord du Michigan, Détroit, ou Grand Portage sur le lac Supérieur. Là, les commerçants divisaient les marchandises en paquets plus petits, créant des ballots d’articles comme le tissu et mettant d’autres marchandises dans des barils de tailles différentes.
3) Les hommes que nous appelons voyageurs quittaient les grands postes de traite en été, voyageant en canot avec ces ballots et ces barils de marchandises pour rejoindre les autochtones dans leurs villages, souvent près des petits forts français et des postes de traite. Nous connaissons certains de ces postes, comme le fort St Joseph, le fort Ouiatenon, Prairie du Chien, La Baye (Green Bay), ou le fort Miamis, alors que d’autres postes plus petits ont complètement disparu aujourd’hui.
4) Pendant l’hiver, les Amérindiens échangeaient les fourrures et les peaux contre les produits manufacturés qu’ils désiraient. Comme nous le verrons ci-dessous, les biens qu’ils cherchaient à acheter remplissaient diverses fonctions, comprenant des articles utiles comme des produits en métal ou des tissus aussi bien que des articles de décoration personnelle comme des perles ou des boucles d’oreilles.
5) Au printemps, les voyageurs quittaient les petits postes ou villages pour retourner aux grands postes de traite avec les fourrures qu’ils avaient achetées. À ces endroits, comme Michilimakinac, Détroit ou Grand Portage, les commerçants rassemblaient les fourrures en ballots et les expédiaient dans de grands canots jusqu’à Montréal.
6) Enfin, les fourrures et les peaux quittaient Montréal pour l’Europe où elles étaient vendues. Dès le début du XVIIIe siècle, les fourrures et les peaux étaient également expédiées vers le sud sur le Mississippi à la ville française de la Nouvelle-Orléans, puis vers l’Europe.
De nombreuses voies navigables intérieures servaient de moyens par lesquels les commerçants autochtones pouvaient apporter les peaux à leurs homologues français. La carte suivante suggère les directions générales dans lesquelles le commerce a été effectué :
Fourrures et Marchandises
Certains des biens reçus par les autochtones en échange des fourrures étaient principalement destinés à un usage pratique : par exemple, des couteaux, des haches, des chaudrons, des couvertures, des tissus, des vêtements, des peignes, de la poudre et des balles pour fusils.
D’autres objets qu’ils obtenaient des Français servaient à la décoration personnelle : par exemple, des rubans, des broches, des boucles d’oreilles, des bracelets, du vermillon (un pigment rouge pour décorer le corps), ou des clochettes.
Quelles étaient les fourrures et les peaux—les pelleteries, comme ils disaient—que les Amérindiens apportaient pour faire l’échange?
Le castor était le plus important et le plus demandé. En Europe, la fourrure de castor était utilisée pour fabriquer du feutre pour les chapeaux, mais la population européenne de castors avait beaucoup diminué. La nouvelle source de peaux de castor comblait donc un créneau économique établi et le commerce était, au début, très lucratif.
Dans la région des Grands Lacs et du Mississippi, il y avait bien d’autres animaux dont la fourrure était également recherchée : le renard, l’ours, la loutre, le vison, le martre, le rat musqué, le raton laveur (appelé chat sauvage par les Français), et même le bison. De plus, de nombreuses peaux de daim étaient échangées contre les marchandises apportées par les commerçants.
Les voyageurs et les traiteurs qui vivaient dans le Pays d’en Haut et le Pays des Illinois devaient s’adapter aux conditions de cette région, où il n’y avait pas de grandes villes et peu de villages de style européen. Il était essentiel d’apprendre des autochtones qui vivaient ici depuis longtemps et, par conséquent, ils adoptèrent de nombreux objets inventés par les autochtones qui fonctionnaient bien pour la vie dans cette région. Par exemple, ils se servaient du canot d’écorce de bouleau, qui était léger mais robuste, et fonctionnait beaucoup mieux qu’un bateau européen sur les rivières qu’ils empruntaient.
Ils adoptèrent également des vêtements, notamment des mocassins en peau de cerf et des pagnes avec des jambières, tous bien mieux adaptés que les pantalons et les chaussures à semelles dures à la vie en forêt.
Ils utilisaient aussi le mokock (mot originaire de la langue ojibwé), une sorte de bol ou de seau en écorce de bouleau utilisé pour le stockage et le transport, ainsi que l’apaiquoy (mot originaire des langues algonquiennes), qui désignait des bandes de bouleau qui servait d’abri portatif.
Visitez les sites de la traite des fourrures
Plusieurs sites du French Heritage Corridor offrent aux visiteurs la possibilité de se renseigner sur le commerce des fourrures sur place et en personne. Dans l’Illinois, vous pouvez visiter le musée de l’Isle à la Cache. Dans le Michigan, Colonial Michilimakinac plonge les visiteurs dans la vie du XVIIIe siècle dans cet important fort et centre de traite. Prairie du Chien, dans le Wisconsin, abrite le Fur Trade Museum et, dans le nord-ouest de l’Indiana, on peut visiter la propriété de Joseph Bailly dans le parc national des Indiana Dunes. Et plus au nord, le monument national du Grand Portage sur le lac Supérieur aide les visiteurs à comprendre la relation importante entre les commerçants européens et les Anishnaabe. Consultez la carte interactive du corridor du patrimoine français pour planifier votre visite.
Pour des expériences immersives, vous pouvez assister à un événement « rendez-vous », où on recrée les réunions de commerçants et d’autochtones aux postes de traite. La Feast of the Hunters’ Moon dans l’Indiana et le Rendez-vous du Fort de Chartres dans l’Illinois n’en sont que deux exemples.